Une expérience de réflexologie dans une unité de soins palliatifs

« Une expérience de réflexologie dans une unité de soins palliatifs », Chaquet Odile, Lei Josiane, Balahoczky Mireille, Krummenacker Anne Marie, Revue internationale de soins palliatifs 4/2007 (Vol. 22) , p. 111-114
URL : www.cairn.info/revue-infokara-2007-4-page-111.htm.

Hôpitaux Universitaires de Genève, Thônex et Collonge-Bellerive

Introduction
Les soins palliatifs ont comme objectif de maintenir la meilleure qualité de vie possible des patients pour lesquels une guérison n’est plus envisageable. Il ne s’agit donc pas de lutter contre une maladie évolutive qui progresse, mais plutôt de traiter de manière efficace les symptômes physiques gênants (tels que la douleur ou la dyspnée), de soulager la souffrance psychique (tels que des états dépressifs ou l’angoisse), d’apporter de l’aide dans des situations sociales difficiles (solitude, conflits familiaux) et de permettre un soutien spirituel.
La SSMSP (1) écrit que « la médecine et les soins palliatifs comprennent tous les traitements médicaux, les soins physiques, le soutien psychologique, social et spirituel, destinés aux malades souffrant d’une affection évolutive non guérissable. Son but est de soulager la souffrance, les symptômes d’assurer le confort et la qualité de vie du malade et de ses proches ».
C’est en partant de ces définitions que nous avons construit notre projet de proposer des soins de réflexologie aux patients en soins palliatifs.
Notre projet
Infirmières depuis de nombreuses années et travaillant dans une unité de soins palliatifs du centre de soins continus des Hôpitaux Universitaires de Genève (CESCO), nous constatons que certains symptômes (constipation, angoisse, dyspnée) subsistent malgré les traitements proposés. Ces symptômes non calmés, augmentent la souffrance à la fois psychologique et physique des patients et installent en nous un sentiment d’impuissance.
Parallèlement, nous possédons des compétences qui font partie de notre rôle propre. De leur côté, les patients attendent autre chose que des traitements, des examens, des visites médicales et ont souvent essayé des approches complémentaires.
Nous avons donc décidé de proposer aux patients hospitalisés dans l’unité 20 du Cesco, des soins basés sur la réflexologie en lien avec ces trois indications : angoisse, dyspnée et constipation. Soutenues par nos directions, notre projet a vu le jour à la fin de l’année 2005.
Nous avons retenu différents concepts théoriques : le toucher, la réflexologie et la communication.

Méthodologie
Nous avons organisé une information à nos collègues infirmières, aides-soignantes et aux médecins de l’unité. Les réactions ont été favorables : écoute, participation au projet.
Les soins sont proposés soit par les soignants soit par l’infirmière formée en réflexologie. Il peut être aussi demandé par le patient.
Après évaluation de l’indication et acceptation du soin par le patient, nous proposons 2 massages par semaine d’une durée de 20 minutes, sous forme de rendez-vous.
L’infirmière formée en réflexologie aborde la rencontre avec le malade dans le calme et en totale disponibilité. Il faut compter 10 minutes pour l’installation du patient, les transmissions écrites et la tenue des statistiques. L’infirmière note dans le dossier patient, comment celui-ci a vécu le soin, quelles zones ont été massées et fait une évaluation du symptôme et du bien-être du patient.
Elle adapte le massage en fonction de l’âge du patient (pas de stimulation de l’organisme trop longue < 20 min).
Le soin peut être intégré dans une démarche de soins, il est planifié et validé dans le dossier patient et il comptabilise des points PRN.
Chaque massage se déroule de la manière suivante :

  • installation confortable du patient ;
  • évaluation et discussion avec le patient sur ses désirs, besoins et bien-être ;
  • prise de contact sur les pieds avec un temps de massage détente ;
  • observation des différents signes sur les pieds ;
  • massage réflexologique des zones ;
  • massage lissage pour terminer.

 

Résultats

Nous cherchions à savoir comment le patient vit une séance de réflexologie et quelle est la plus-value de ce type de soin sur sa qualité de vie. L’observation, les dires du patient et des soignants et la lecture du dossier patient nous ont permis de présenter les résultats suivants. Il est important de comprendre que chaque séance se déroule de manière différente en fonction de la personne, du moment, de sa disponibilité et de ses attentes.
171 massages ont été pratiqués sur 21 patients (16 patients atteints de cancer et 5 en attente d’une place en EMS) à raison de 2 massages par semaine. La réponse à la demande du soin est de moins de 4 jours. A aucun moment, les patients n’ont manifesté le désir d’arrêter cette prise en charge.
Les patients ont reçu entre 1 et 43 massages avec une médiane de 4.
Les soins ont été proposés :
9 fois par l’infirmière formée en réflexologie ;
5 fois par le médecin ;
5 fois par l’équipe soignante et le médecin ;
4 fois par un membre de l’équipe
et demandés 2 fois par le patient lui-même.
Ces chiffres sont pour nous encourageants, car ils montrent le soutien, la reconnaissance pour ce soin de l’ensemble de l’équipe. 38% des massages ont été réalisés sur un ordre médical, et 62% sur notre décision propre en lien avec le rôle autonome de l’infirmière. Nous retrouvons les motifs de consultation choisis au début de notre projet, avec parfois plusieurs motifs pour un même patient (constipation, dyspnée et angoisse).
En cours d’hospitalisation, les motifs ont parfois changé, par exemple un patient souffrant de constipation et ensuite aidé pour une dyspnée qui apparaît.
Nous constatons qu’il y a toujours une réponse aux symptômes.
Figure

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Nous observons avec intérêt l’apparition d’« effet secondaire bénéfique » sur des symptômes non cités au départ du soin : respiration, sensations corporelles, détente, force, endormissement : « Je reprends contact avec mon corps ». Ces symptômes étaient probablement existants mais pas prioritaires pour le patient.
Ces effets secondaires sont des éléments importants pour la qualité de vie. Voici quelques phrases relevées au cours des soins.
« Cela m’a permis de tenir plus longtemps ».
« Je suis mieux dans le sens où je gère mieux mes crises ».
« C’est un moment où je partage sur différents sujets en lien avec ma santé, mon avenir, mes inquiétudes, mes espoirs. Je suis surpris de cette intervention qui m’amène à parler de mon enfance ».
« Je préfère avoir des soins de ce type plutôt qu’une médecine qui me “ détraque ” au niveau du système digestif ».

On constate qu’il y a une connaissance de ce soin par les patients et leurs familles (50 %).
Dans ce cas, le soin est soutenu par la famille, et donc aidant pour le patient.

Nous notons l’enthousiasme de certains patients connaissant déjà la réflexologie qui disent avoir été très surpris, puis heureux que de tels soins leur soient proposés en milieu hospitalier et considèrent que cela est un progrès pour les patients : « Il y a quelques années, c’était impensable ».

Discussion
Le temps de massage permet aux patients d’exprimer, de verbaliser des craintes, des peurs, des questionnements, de parler d’eux, de leur vie. Cela est alors l’occasion pour certains de faire des liens avec la situation actuelle : une forme de relecture de vie. Alors se pose la question suivante : pourquoi ne pas proposer une relation d’aide pour ce type de patients ? Quand elle leur a été proposée, certains préféraient le massage. C’est le toucher lui-même qui permet alors d’entrer en communication.
La personne sent qu’on lui consacre du temps. Cela est valorisant pour elle : « Vous venez exprès pour moi ? »
La grande richesse de communication ainsi que la relation qui s’établit durant toute la prise en charge du patient sont également ressourçantes pour le soignant. C’est le principe des vases communicants. Le toucher permet de sentir la vitalité de la personne, sa capacité à rebondir face à la maladie, sa fatigue, la présence de tensions, d’eau. Au cours du massage, avec le ressenti tactile, avec les informations que donne le patient, la réflexologue découvre ce qui favorise la problématique. Elle stimule alors d’autres zones ayant un lien avec celle-ci. Ce sont des éléments qu’elle rassemble, et qu’elle utilise ensuite pour mieux connaître le patient et donc mieux répondre à ses besoins.
Au départ, nous avons constaté une difficulté, de la part de certains membres de l’équipe, à accepter ce type de soin par rapport à la charge de travail habituelle, et par rapport au fait que le massage n’est pas considéré comme un soin. Au vu des bénéfices, ce soin a petit à petit pris sa place.
Conclusion
La réflexologie améliore la qualité de la vie des patients en soins palliatifs et a permis une présence et un accompagnement dans leurs derniers jours. Le massage favorise et contribue au dialogue. Il ouvre une partie intime chez l’être humain.
Plusieurs outils existent pour encourager le dialogue : relation d’aide, entretien, approches groupales, massages, réflexologie… Le choix se fait en équipe et avec le patient afin de définir ce qui lui conviendra le mieux. Ce travail montre que la réflexologie a toute sa place dans les soins infirmiers. Nous souhaitons que ce type d’approche puisse continuer d’être proposé aux patients.
Remerciements
Nous remercions les soignants de l’unité 20 du Cesco, la direction des soins et la direction médicale de nous avoir permis de mener à bien ce projet.

Références bibliographiques
1 –  SSMSP. : Statuts de la Société Suisse de Médecine et de Soins Palliatifs. Berne. 1995.
2 –  Collège de soins infirmiers. L’infirmière et les soins palliatifs : « prendre soin éthique et pratiques », Paris, Masson 2e édition, 2002, p.144.
3 –  Adam E, Lauzon S. La personne âgée et ses besoins : interventions infirmières.Paris, Ed Seli Arsam,1996,p.184.
4 –  Kunz B, Kunz K. Réflexologie pour les mains et pour les pieds. Ed. Le Courrier du Livre. 2003.
5 –  Landry N. Le toucher : soin et moyen de communication dans la pratique IDE Recherche en soins infirmiers n° 18 octobre 1989 p. 34-43.
6 –  Malaquin-Pavan E. Bénéfice thérapeutique du toucher-massage dans la prise en charge globale de la personne âgée démente. Recherche en soins infirmiers n° 49 juin 1997, p. 11-66